TEMPS DE POSE MAXIMUM PAR PHOTO EN FONCTION DE LA POLLUTION LUMINEUSE

L’éclairage artificiel de nos villes affecte beaucoup la noirceur du ciel. Il est de plus en plus difficile de trouver des sites d’observation sans pollution lumineuse. On peut ainsi considérer que la majorité des astrophotographes est concernée par la pollution lumineuse à des niveaux différents.

L’exposé qui va suivre concerne la photographie des objets du ciel profond dans un environnement de pollution lumineuse. Il est à noter que pour l’observation et la photographie des planètes, on peut le faire en pleine ville sans contraintes, car ces objets sont très lumineux.

Avant d’évaluer le temps de pose maximum par photo en fonction de la pollution lumineuse, il faut connaître l’importance de la pollution lumineuse de son site d’observation. Aussi, il faut déterminer l’intérêt d’utiliser un filtre antipollution lumineuse. Ensuite, on pourra entreprendre l’évaluation du temps de pose maximum afin d’éviter de surexposer le fond du ciel.

Évaluation de la pollution lumineuse de son site d’observation

Magnitude visuelle des objets du ciel profond

Les livres d’astronomie et les planétariums présentent la magnitude visuelle ou magnitude apparente (dont l’acronyme est mv ou V) des objets du ciel profond. C’est une mesure qui définit la brillance de l’objet vu depuis la Terre. Par exemple, la galaxie Andromède (M31) à une magnitude visuelle de 3,4 (plus le chiffre est petit, plus l’objet est lumineux). C’est la galaxie la plus brillante du ciel boréal. Une différence d’une magnitude augmente ou diminue la brillance de l’objet de 2,512 fois. L’évaluation qui sera présentée ci-dessous présentera la magnitude limite (minimum) observable selon la pollution lumineuse du site d’observation. Aussi, il faut connaître la magnitude limite visuelle de son télescope ou lunette. Elle se calcule par la formule suivante :

2,1 + 5 x Log D

D étant le diamètre du télescope en millimètre. Il vous faudra donc une calculatrice scientifique pour faire le calcul pour votre instrument d’observation. Il est à noter que c’est cette formule qui est utilisée par les fabricants de télescopes ou lunettes lorsqu’ils mentionnent la magnitude limite visuelle de leurs instruments d’observation.

Voici donc la magnitude limite visuelle selon le diamètre des télescopes ou lunettes suivants :

Diamètre Magnitute
limite visuelle
2,1 + 5 x Log D
Ajout
Astrophoto
Magnitude
limite astrophoto
7,1 + 5 x Log D
500 mm (20 pouces) 15,60 5 20,60
432 mm (17 pouces) 15,28 5 20,28
356 mm (14 pouces) 14,86 5 19,86
320 mm (12,5 pouces) 14,63 5 19,63
280 mm (11 pouces) 14,34 5 19,34
254 mm (10 pouces) 14,12 5 19,12
203,2 mm (8 pouces) 13,64 5 18,64
150 mm (5,9 pouces) 12,98 5 17,98
102 mm (4 pouces) 12,14 5 17,14
80 mm (3,15 pouces) 11,62 5 16,62

La magnitude limite visuelle de l’oeil humain (sans télescope) est de 6, considérant le diamètre maximum de la pupille de 6 mm. Celle-ci diminue avec l’âge de l’observateur (la pupille se dilate moins). Il est à noter que les magnitudes limites visuelles des instruments ci-dessus sont celles obtenues lorsque l’oeil humain regarde à travers le télescope. Les magnitudes limites visuelles des instruments ont donc été calculées avec un oculaire qui donne une pupille de sortie de 6 mm, soit le même diamètre maximum que la pupille de l’oeil humain, offrant ainsi une brillance maximum de l’objet observé visuellement. Il est à noter qu’on peut obtenir une magnitude limite supérieure en utilisant un grossissement qui permettra d’assombrir le fond du ciel sans modifier la brillance ponctuelle des étoiles, mais cela ne s’applique pas aux objets étendus tels que les galaxies et nébuleuses (elles seront également assombries avec un grossissement). Aussi, le grossissement n’est pas pertinent en astrophotographie du ciel profond puisque la caméra d’imagerie est installée directement au foyer du télescope ou de la lunette la plupart du temps.

En astrophotographie, la magnitude limite sera plus élevée. Mais, il n’existe pas une formule précise pour la déterminer, car elle dépend (en plus du diamètre du télescope) de la sensibilité des matrices CCD ou CMOS, de la focale et du temps d’exposition. Selon l’analyse de Denis Bergeron concernant la magnitude limite d’un instrument en astrophotographie sur une étoile, il a pu accéder à la magnitude de 19,5 avec son télescope de 254 mm avec un temps d’exposition de 10 minutes à la focale f/7 dans un site de faible pollution lumineuse (zone bleue). Il a utilisé une caméra CCD monochrome en luminance (filtre clair). On peut donc considérer que la magnitude limite de l’instrument utilisé en astrophotographie offre au moins cinq magnitudes additionnelles (ou 7,1 + 5 x Log D). Cette analyse permet de constater que l’utilisation d’un télescope ou lunette de petit diamètre, par exemple de 80 mm dans le tableau ci-dessus, on peut atteindre la magnitude de 16,62 et même un peu plus en astrophotographie dans un site de faible pollution lumineuse. Il est aussi à noter que la magnitude limite maximum sur terre est d’environ 21, peu importe le diamètre du télescope, considérant la brillance de surface de 22 (mag/arcsec2) du fond du ciel dans un site sans pollution lumineuse.

Si on augmente le temps d’exposition par photo ou si on utilise une focale plus ouverte, voir la note 1 à la fin de l’exposé pour connaitre le gain en magnitude limite.

Évaluation de la pollution lumineuse

Voici la carte de pollution lumineuse mondiale qui vous permettra d’afficher l’évaluation pour votre site d’observation :

https://www.lightpollutionmap.info/

Les magnitudes limites visuelles au télescope sont calibrées sur une étoile, donc sur une source ponctuelle, avec un télescope de 320 mm (12,5 pouces) et un grossissement de 250x. Pour la photographie des objets du ciel profond, il faut aussi tenir compte de la brillance de surface des objets étendues. Voici donc la description de la charte de couleur :

CouleurBortleSituationMagnitude
Limite
visuelle
télescope
Magnitude
limite estimée
astrophoto
Description
L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est noir-2.png.1Ciel sans pollution lumineuse>1721Il faut un télescope de 500 mm (20 pouces) et plus pour atteindre la magnitude limite de 21 en astrophoto.
L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est gris.png.2Très peu de pollution lumineuse16,5>19Les télescopes ou lunettes d’un diamètre 254 mm (10 pouces) et plus peuvent accéder à la magnitude de plus de 19 en astrophoto.
L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est bleu-2.png.3Ciel rural16>19Pollution lumineuse présente près de l’horizon.
L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est vert.png.4Transition entre le ciel rural et la banlieue15,517,5Faible pollution lumineuse.
L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est jaune.png.5En banlieue14,5-1516,5Pollution lumineuse tout autour. On doit commencer à limiter le temps d’exposition en astrophotographie pour ne pas surexposer le fond du ciel. Une lunette d’un diamètre de 80 mm pourra atteindre la magnitude limite de 16,5 en astrophoto.
L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est orange.png.6En banlieue avec un ciel plus brillant14-14,515,5La Voie lactée est encore visible à l’oeil nu (sans télescope) à partir de 30° au-dessus de l’horizon.
L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est rouge.png.7Transition entre la banlieue et la ville1415La Voie lactée n’est plus visible à l’oeil nu.
L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est blanc.png.8-9En ville14 et moinsLa magnitude limite en astrophoto a été établie selon mon analyse personnelle.
Référence : selon la description de la charte des couleurs du site (traduction française). La magnitude limite estimée en astrophoto est établie par moi.
Pour l’échelle Bortle voir ce lien.

La charte des couleurs est valide à partir d’une bonne transparence du ciel. Les conditions locales pourraient faire varier la magnitude limite à la baisse, telle que la pollution lumineuse sur le site d’observation (lampadaires, lumières des voisins), un taux d’humidité important, la fumé causée par les feux de forêt, la pollution atmosphérique, la brume au niveau du sol, etc.

L’intérêt de consulter la charte de couleur ci-dessus est pour les objets du ciel profond à spectre lumineux continu (galaxies, amas d’étoiles et nébuleuses à réflexion). On utilise la brillance de surface de ces objets pour déterminer si l’objet peut être photographié à son site d’observation. Par exemple, la brillance de surface de la galaxie d’Andromède M31 est de 13,35 mag/arcmin2 selon le logiciel Stellarium. On peut donc la photographiée en zone blanche (en ville) selon la charte de couleur ci-dessus (voir la colonne Magnitude limite estimée astrophoto qui est de 14 et moins pour la zone blanche) ! Nous verrons dans la section Temps de pose maximum par photo en fonction de la pollution lumineuse ci-dessous comment s’y prendre. Pour les sceptiques, en consultant cette section, il y a la présentation d’une image que j’ai prise de M31 dans mon site d’observation qui est en zone blanche !

Pour les nébuleuses à émissions et les nébuleuses planétaires, il n’est pas utile de consulter la charte de couleur ci-dessus, car on utilisera des filtres à bandes étroites. Les détails dans la section Utilisation de filtres antipollution pour les caméras couleur ci-dessous. Pour les caméras monochromes, voir le lien suivant portant sur l’utilisation des filtres à bandes étroites pour combattre la pollution lumineuse.

Utilisation de filtres antipollution pour les caméras couleur

Deux grandes catégories de filtres antipollution existent sur le marché pour les caméras couleur : les filtres généraux pour les objets à spectre lumineux continu et les filtres spécialisés pour les nébuleuses à émission.

Les filtres généraux pour les objets à spectre lumineux continus

On utilise ces filtres pour les amas d’étoiles, les galaxies et les nébuleuses à réflexion. Comme ces objets émettent du signal dans toute la largeur de la bande passante visible pour l’oeil humain (incluant la pollution lumineuse), ils ont un rendement médiocre pour combattre la pollution lumineuse. Voici un exemple de transmission du filtre IDAS LPS-P2 de Hutech (aussi nouvellement dénommé IDAS LPS-D1) :

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est idas_lps_p2.jpg.

La ligne bleue présente les raies de transmission du filtre IDAS LPS-P2. Les autres lignes de couleurs présentent les principales raies d’émission des lumières des villes (Hg = vapeur de mercure, Na = vapeur de sodium). Il est à noter qu’aujourd’hui, avec la tendance à utiliser des lumières à DEL blanches pour l’éclairage des villes, on peut considérer que la pollution lumineuse couvre de plus en plus au complet le spectre lumineux visible diminuant encore davantage l’efficacité de ces filtres pour les objets à spectre lumineux continue.

En plus du constat actuel concernant l’utilisation de ces filtres antipollution généraux pour les objets à spectre lumineux continu (amas d’étoiles, galaxies et nébuleuses à réflexion), le principal défaut de ces filtres est qu’il demande de doubler ou tripler le temps d’exposition pour capter la même quantité de lumière que la photographie sans filtre antipollution lumineuse. Aussi, la balance des couleurs est difficile à réaliser, il demeure une dominante de couleur bleue dans l’image. Également, après plusieurs recherches que j’ai effectuées sur le Web, plusieurs astrographes expérimentés recommandent de ne pas utiliser de filtres antipollution consacrés aux objets à spectre lumineux continu.

Pour toutes ces raisons, je ne recommande pas d’utiliser ces filtres. Ma stratégie personnelle est d’utiliser des temps d’exposition courts et de prendre beaucoup d’images pour bénéficier de la formule suivante : Augmentation du rapport S/B = √ nombre d’images. J’ai obtenu de meilleurs résultats avec cette technique.

Les filtres spécialisés pour les nébuleuses à émission

Voici un exemple de filtre spécialisé pour caméra couleur, que j’ai déjà utilisé, pour les nébuleuses à émission :

Filtre IDAS LPS-V4 de Hutech : Ce filtre est conçu pour fournir un maximum de contraste dans le spectre lumineux des nébuleuses à émission tout en filtrant efficacement la pollution lumineuse. Les spectres couverts sont les suivants : H-Beta (486.1 nm), OIII (500.7 nm) et H-Alpha (656.3 nm). Il laisse passer plus de 95% de la lumière dans ces spectres lumineux. Dans ceux-ci, la bande passante est plus étroite que le filtre IDAS LPS-P2 mentionné ci-dessus. Il est donc plus efficace contre la pollution lumineuse. Il n’est pas conseillé pour la photographie des galaxies, amas d’étoiles et nébuleuses à réflexion, car il filtrera trop la luminance de ces objets tout en ne préservant pas l’équilibre des couleurs. Ce filtre doit donc être utilisé uniquement pour la photographie des nébuleuses à émission. Je conseille de produire une image de luminance synthétique en utilisant la couche Rouge, ce qui permet d’obtenir une image de luminance en H-Alpha avec une caméra couleur. Ensuite, on la superpose à l’image RVB produite avec ce filtre. Pour plus de détails sur la production d’une image de luminance synthétique, cliquer sur ce lien. Il est à noter que l’équilibre des couleurs des nébuleuses à émission est bien préservé avec ce filtre. Aussi, pour favoriser au maximum la transmission de la bande passante étroite H-Alpha, il est recommandé de faire défiltrer sa caméra couleur.

Voici le graphique de transmission de ce filtre :

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est idas_lps_v4.jpg.

En comparant les raies de transmission du filtre IDAS LPS-V4 avec le filtre IDAS LPS-P2 ci-dessus, on constate que les bandes passantes du filtre sont beaucoup plus étroites que le filtre IDAS LPS-P2, ce qui le rend grandement plus efficace pour combattre la pollution lumineuse. Un élément très intéressant du filtre IDAS LPS-V4 est la bande passante étroite de seulement 19 nm (à 50% de la transmission du filtre) pour la raie d’émission Ha située à 656,3 nm dans le graphique. Les deux bandes passantes du filtre sont situées dans les raies de transmission des nébuleuses à émission. Il est donc un choix idéal pour la photographie de ces objets avec une caméra couleur.

Voici une image prise avec ce filtre en zone blanche :

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est ic434_pol.jpg.
IC434 – Nébuleuse à émission contenant « La Nébuleuse Tête de Cheval » – Cliquer sur l’image pour l’afficher pleine grandeur

Voici un autre exemple de filtre pour nébuleuses à émission qui a fait son apparition sur le marché au courant de l’année 2018 :

Filtre STC Astro Duo-Narrowband : Deux spectres lumineux sont couverts ; le H-Alpha (656.3 nm) et le OIII (500.7 nm). Il laisse passer plus de 90% de la lumière dans ceux-ci. La bande étroite est de seulement 10 nm pour le OIII (à 50% de la transmission du filtre) et un peu plus de 10 nm pour le H-Apha. Grâce à ces bandes passantes très étroites, il serait encore plus efficace pour combattre la pollution lumineuse que le filtre IDAS LPS-V4 ci-dessus. Bien que je n’ai jamais utilisé ce filtre, beaucoup d’astrophotographes ont des commentaires très positifs sur l’expérimentation de ce filtre.

Voici le graphique de transmission de ce filtre provenant du site Web du fabricant Cyclops Optics :

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est stc-duonarrowband.jpg.

Temps de pose maximum par photo en fonction de la pollution lumineuse

Voici deux méthodes pour déterminer le temps de pose maximum par photo en fonction de la pollution lumineuse pour les objets à spectre lumineux continu (amas d’étoiles, galaxies et nébuleuses à réflexion). La première méthode consiste à utiliser un tableau estimant rapidement le temps de pose par photo. La deuxième demande d’effectuer des calculs dans le but de déterminer plus précisément le temps de pose.

Tableau des temps de pose maximums par photo en fonction de la pollution lumineuse

Vous trouvez ci-dessous un tableau permettant de déterminer un temps de pose selon les conditions du fond du ciel. Pour utiliser ce tableau, il suffit de partir de la sensibilité de votre caméra numérique (colonne de gauche), puis il faut aller vers la droite jusqu’a ce que vous arriviez sur le rapport F/D que vous utilisez (ou le plus proche de celui que vous utilisez). Descendez alors dans la colonne vers le bas du tableau. On aura alors les temps de poses (sans filtre antipollution) et le nombre d’images recommandés pour les zones blanche, rouge, orange et jaune.

Ce tableau est établi pour une bonne transparence du ciel et pour des objets se trouvant à plus de 30o de l’horizon. Les temps d’expositions sont calculés pour éviter de surexposer le fond du ciel. En photographie du ciel profond, la règle à suivre est d’exposer le plus longtemps possible. Par contre, dans un environnement de pollution lumineuse, il faut éviter de surexposer le fond du ciel. Ces temps de pose fournissent donc un indicateur (point de départ) de temps de pose pour les différentes zones de pollution lumineuse. Les données du tableau proviennent de mes propres tests de temps d’expositions et il est mis à jour au besoin.

Sensibilité ISO (ASA)Rapport F/DRapport F/DRapport F/DRapport F/DRapport F/D
4001,422,84
8001,422,845,6
160022,845,68
R-V-B ou CCD couleur (*)2,845,6811
CCD Luminance45,6811
Conditions du fond du cielTemps de pose par photoTemps de pose par photoTemps de pose par photoTemps de pose par photoTemps de pose par photo
En ville (zone blanche)
Nombre d’images50 et plus
50 et plus
50 et plus50 et plus50 et plus
Temps de pose par photo2 min4 min8 min16 min32 min
CCD monochrome
bin 2×2
1 min2 min4 min8 min
Entre la banlieue et la ville (zone rouge)
Nombre d’images30 et plus30 et plus30 et plus30 et plus30 et plus
Temps de pose par photo3 min6 min12 min24 min48 min
CCD monochrome
bin 2×2
1,5 min3 min6 min12 min
Voie Lactée encore visible (zone orange)
Nombre d’images20 et plus 20 et plus 20 et plus 20 et plus 20 et plus
Temps de pose par photo4 min8 min16 min32 min64 min
CCD monochrome
bin 2×2
1 min2 min4 min8 min16 min
Ciel peut pollué (zone jaune)
Nombre d’images 10 et plus 10 et plus 10 et plus 10 et plus10 et plus
Temps de pose par photo 8 min16 min32 min64 min128 min
CCD monochrome
bin 2×2
2 min4 min8 min16 min32 min
* Pour le filtre rouge avec une caméra monochrome (technique LRVB), on peut jusqu’à tripler les temps d’exposition du tableau. Mais, il n’est pas souhaitable de le faire. En effet, il est recommandé d’utiliser les mêmes temps d’exposition pour  les images rouges, vertes et bleues dans le but de conserver le même poids relatif de chacun des filtres, comme une caméra couleur.

Il est à noter, pour les nouvelles caméras avec capteur CMOS refroidi couleur et monochrome pour le ciel profond, qu’il faudra effectuer les calculs détaillés ci-dessous pour connaître le temps d’exposition maximum. La raison est que celles-ci utilisent la fonction gain pour augmenter la sensibilité de la caméra à la lumière et non l’ajustement ISO qui est utilisé par les appareils photo numériques (APN ou DSLR) sur le marché des caméras grand public. Bien qu’ISO et gain désigne la même chose, il n’y a pas d’équivalence entre gain et ISO, ISO étant un standard universel de sensibilité à la lumière entre les caméras. Il est donc impossible d’inclure ces caméras dans le tableau ci-dessus.

Dans le tableau, je suggère dans certaines situations d’utiliser le mode Bin 2×2. Celui-ci permet de réduire le temps d’exposition dans un facteur de 4, offrant ainsi des temps d’exposition par photo et totaux beaucoup plus courts. Pour en savoir plus sur ce mode, cliquer sur ce lien.

Bien entendu, on n’est pas obligé d’utiliser ces temps maximums lorsqu’ils dépassent 15 minutes par photo. Très peu d’astrophotographe dépasse ce temps d’exposition. Par exemple, le temps d’exposition en zone jaune (ciel peut pollué) pour une image de luminance à f/8 est de 32 minutes en bin 1×1. Je suggère alors d’utiliser un temps d’exposition de 10 ou 15 minutes par photo.

Pour les caméras CCD monochrome en utilisation avec les filtres à bandes étroites pour les nébuleuses à émission (Ha, OIII et SII) ainsi que le filtre IDAS LPS-V4 ou le filtre STC Astro Duo-Narrowband pour caméras couleur ci-dessus, il n’est pas utile de consulter le tableau, car ces filtres combattent efficacement la pollution lumineuse, même en zone blanche. La règle à suivre est donc d’exposer le plus longtemps possible.

Dans le tableau, on peut observer que plus il y a de pollution lumineuse, plus on augmente le nombre de poses. Au lieu d’utiliser un filtre antipollution général pour les amas d’étoiles, les galaxies et les nébuleuses à réflexion, cette stratégie donnera de meilleurs résultats. Il faut comprendre ici que dans un site de pollution lumineuse important, l’écart entre le signal et le bruit (S/B) est beaucoup plus faible que dans un site avec peu de pollution lumineuse. En prenant beaucoup d’images, on augmente l’écart entre le S/B tout en diminuant le bruit restant. Voir à ce sujet l’explication détaillée sur les temps d’exposition suggérés au point Le compositage de plusieurs images. Pour faciliter la compréhension de l’importance de prendre beaucoup d’images, je vais reproduire ici le tableau qui démontre l’effet du compositage sur le bruit par rapport à une seule image :

Nombre d’image utiliséesPourcentage de bruit restant
(par rapport à une seule image)
Augmentation
Rapport Signal / Bruit
1100,00%1,00
270,70%1,41
357,70%1,73
450,00%2,00
544,70%2,24
1031,60%3,16
2022,40%4,47
3018,30%5,48
4015,80%6,32
5014,10%7,07
10010,00%10,00
2007,10%14,14
5004,50%22,36
10003,20%31,62
100001,00%100,00

Dans un site avec peu de pollution (zone jaune), je recommande de prendre au moins 10 images, le pourcentage de bruit restant sera de 31,60% et l’augmentation du rapport S/B de 3,16. En prenant 50 images pour la zone blanche, le pourcentage de bruit restant sera de seulement 14,10% et l’augmentation du rapport S/B passera à 7,07, soit plus du double que de prendre 10 images. Voilà donc toute l’importance de prendre beaucoup d’images dans un site de pollution lumineuse extrême (zone blanche).

Calcul du temps d’exposition maximum par photo en tenant compte de la pollution lumineuse

Le tableau du temps de pose par photo en fonction de la pollution lumineuse fournit un estimé général du temps d’exposition par photo dans un environnement de pollution lumineuse. Pour plus d’exatitude, voici un calcul qui permettra de connaitre précisément le temps d’exposition maximum par photo en tenant compte de son site d’observation et de son équipement personnel.

Le calcul tiendra compte de toutes les variables personnelles qui sont :

  • La caméra utilisée
  • Format d’image (par exemple 16 bits)
  • Le Bin 1×1 ou autre
  • Son télescope
  • La focale utilisée
  • L’objet photographié
  • Son lieu d’observation
  • La noirceur du ciel : La zone de pollution lumineuse
  • La transparence du ciel
  • Le taux d’humidité
  • La hauteur de l’objet photographié (de préférence 30o et plus au-dessus de l’horizon)
  • Pour les appareils photo avec capteur CMOS, la sensibilité ISO ou gain utilisée pour prendre la photo
  • La calibration de l’image (Bias, Noir, PLU)
  • Le test du temps d’exposition
  • L’image utilisée : RVB, Luminance, H-Alpha, Rouge, Vert, Bleu et autres
  • Le filtre antipollution utilisé (non recommandé pour les amas d’étoiles, galaxies et nébuleuses à réflexion)
  • Le nombre d’images composité

On utilise une image calibrée et compositée d’un objet que l’on a photographié selon les indications du tableau des temps de pose maximums pour votre site d’observation. L’objet photographié doit se trouver à au moins 30o au-dessus de l’horizon. L’image ne doit pas être traitée (stretching). Il est important d’utiliser une image calibrée pour ne pas considérer dans l’évaluation le bruit inclus dans le Bias et le Noir (Dark). Aussi, elle doit être assemblée (compositée) dans le but de bénéficier de l’augmentation du rapport S/B et de la diminution du bruit de fond, telle que présentée dans le tableau ci-dessus.

Pour les nouvelles caméras avec capteur CMOS refroidi pour le ciel profond, commencer votre test en utilisant un gain de 15 dB (150 en unité de 0,1 dB). Pour les CMOS couleur, utiliser la ligne R-V-B ou CCD couleur dans le tableau des temps de pose maximums par photo ci-dessus. Pour les CMOS monochromes avec filtre clair, utiliser la ligne CCD Luminance. Veuillez noter que ces caméras avec capteur CMOS ne supportent pas le Bin 2×2 matériel qui permet de réduire le temps d’exposition dans un facteur de 4.

Après plusieurs lectures que j’ai effectuées sur le sujet, la meilleure façon de procéder est de déterminer la valeur ADU (le test d’exposition moyen du fond du ciel) maximum acceptable pour le fond du ciel dans un environnement de pollution lumineuse. La valeur maximale que j’ai déterminée est la suivante pour une image de 16 bits (65536 nuances possibles) :

10% de 65536 = 6600 nuances affectées par la pollution lumineuse

Pour plus d’information sur l’établissement de cette norme, voir la note 2 à la fin l’exposé. À titre de comparaison, la valeur ADU du fond du ciel dans un environnement sans pollution lumineuse est moins de 1000 ADU pour des temps d’exposition de 10 minutes par photo en Bin 1×1 et un compositage de 10 photos pour l’image de luminance à une focale f/4,5 (donc télescope très ouvert). Par exemple, la valeur ADU de mon image de la galaxie M101, prise au Nouveau-Mexique dans un ciel sans pollution lumineuse (zone grise), est de 841 seulement pour l’image de luminance (filtre clair).

On peut adapter le calcul pour d’autres formats d’images (par exemples pour une image 12 bits = 10% de 4096 nuances possibles, pour une image 14 bits = 10% de 16 384 nuances possibles). En utilisant cette norme, la dynamique de l’image sera donc répartie sur 90% des nuances restantes, soit 59000 nuances consacrées à l’objet du ciel profond (pour une image 16 bits).

Je vais donc procéder en utilisant un exemple réel dans un environnement de pollution lumineuse extrême (zone blanche) :

  • La caméra utilisée : Atix 383L+ monochrome
  • Format d’image : 16 bits (65536 nuances possibles)
  • Bin 2×2
  • Télescope : Celestron Edge HD, diamètre 203,2 mm (8″)
  • Focale (avec réducteur de focale) : f/6,3
  • Objet photographié : M92
  • Lieu d’observation : Mon observatoire permanent à Longueuil
  • Noirceur du ciel : Zone blanche
  • Transparence du ciel : Au-dessus de la moyenne et transparent
  • Taux d’humidité : 53% les deux sessions
  • Altitude de l’objet : 60 à 82 degrés
  • Sensibilité ISO ou gain : s.o., c’est une caméra CCD
  • Calibration de l’image : Noir, PLU et Bias
  • Le test du temps d’exposition : 60 secondes
  • L’image utilisée : Luminance (filtre clair)
  • Filtre antipollution utilisé : Aucun
  • Le nombre d’images composité : 49

Calcul de la valeur ADU du fond du ciel

Avec la souris, pointer au moins six endroits qui représentent le fond du ciel et pour chacune prendre en note la valeur. Ensuite, effectuer la moyenne des valeurs. Voici l’information à prendre en note :

  • Avec le logiciel Nebulosity : l’information apparaît en bas de l’image à droite
  • Avec le logiciel Maxim DL : Idem. Au besoin, prendre l’information à côté de la lettre i: (qui est la luminance)

La valeur ADU du fond du ciel de cet exemple est : 4915

Calcul du temps d’exposition maximum

Formule :
Temps d’exposition maximum = Le test du temps d’exposition / La valeur ADU du fond du ciel pour le test * 6600

Donc pour cet exemple : 60 sec / 4915 * 6600 = 81 secondes ou 1,3 minute

Comparez ce résultat avec le tableau des temps d’expositions. La focale utilisée est f/6,3. Dans le tableau, prendre la focale proche f/5,6 de la ligne CCD Luminance et descendre à la ligne En ville (zone blanche). Le temps d’exposition est d’une minute pour la focale f/5,6 en Bin 2×2 avec une recommandation de prendre 50 images (49 ont été prises dans cet exemple). Le temps d’exposition maximum de 1,3 minute de l’exemple en Bin 2×2 est donc très proche du temps d’exposition mentionné au tableau ci-dessus qui est d’une minute en Bin 2×2. Il est à noter que dans cet exemple, le temps d’exposition maximum selon le calcul détaillé est semblable à celui du tableau, mais ce n’est pas toujours le cas. La raison est qu’il y a beaucoup de variables telles que mentionnées dans le calcul détaillé ci-dessus. Il est donc préférable d’effectuer ce calcul qui tiendra compte des conditions réelles sur le terrain et de l’équipement utilisé.

Voici l’image de l’amas globulaire M92 produite avec ces temps d’expositions recommandés pour la zone blanche :

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est M92.jpg.

Cliquer sur l’image pour l’afficher pleine grandeur

Voici une autre exemple d’image, la galaxie M31 « La grande galaxie d’Andromède » prise dans un ciel de pollution lumineuse extrême (zone blanche) :

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est m31_pol.jpg.

Cliquer sur l’image pour l’afficher pleine grandeur

La magnitude visuelle de la galaxie est de 3,4 et sa brillance de surface 13,5 (mag/arcmin2), soit en-dessous de la magnitude limite de 14 de mon site d’observation (zone blanche, voir ci-dessus).

Voici un dernier exemple d’une galaxie (NGC891) prise en zone blanche avec les mêmes temps d’exposition indiqués dans le tableau des temps de pose maximums :

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est ngc891.jpg.

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La magnitude visuelle de la galaxie est de 9,9 et sa brillance de surface 13,6 (mag/arcmin2), soit en-dessous de la magnitude limite de 14 de mon site d’observation (zone blanche, voir ci-dessus).

J’ai tenté la photographie de la galaxie IC342 sans succès. Je n’avais aucun signal dans les bras de la galaxie. Sa magnitude visuelle est de 9,1 et sa brillance de surface de 14,9 (mag/arcmin2), soit au-dessus de la magnitude limite de 14 de mon site d’observation (zone blanche, voir ci-dessus). C’est la raison principale de l’absence de signal dans les bras de la galaxie. C’était un de mes tests pour valider les données du tableau des zones de pollution lumineuse.

En conclusion, lorsque vous allez à un nouveau site d’observation, commencez par utiliser les valeurs du tableau des temps d’exposition par photo. Ensuite, je vous recommande d’effectuer les calculs détaillés pour avoir plus de précision sur le temps d’exposition maximum. Aussi, il faut respecter les magnitudes limites en astrophotographie des zones de pollution lumineuse ainsi que celle de votre instrument d’observation.

Note 1 :

Si on augmente le temps d’exposition par photo ou si on utilise une focale plus ouverte, voici les calculs nécessaires pour connaitre le gain en magnitude limite. Comme il est mentionné ci-dessus, dans la section Magnitude visuelle des objets du ciel profond, une différence d’une magnitude augmente ou diminue la brillance de l’objet de 2,512 fois.

Pour faire ressortir les étoiles de très faibles magnitudes sur le fond du ciel, il faut utiliser la formule concernant l’augmentation du rapport Signal / bruit : il augmente de la racine carrée de l’augmentation du temps d’exposition. Donc, pour accéder à une magnitude limite additionnelle, il faudra augmenter le temps d’exposition de 2,5122 ou 6,31 fois (la racine carrée de 6,31 étant 2,512). Pour passer de la magnitude limite de 19,5 à 20,5, le temps d’exposition par photo devra être de 63,1 minutes (10 x 6,31). Il est à noter qu’aucun astrophotographe n’utilise ce temps d’exposition par photo. Si on double le temps d’exposition c.-à-d. à 20 minutes (2 x 10 minutes par photo), le gain en magnitude limite sera donc de seulement 0,32 (2 / 6,31). La magnitude limite en astrophoto passera de 19,50 à 19,82.

Maintenant, si on utilise une focale plus ouverte, par exemple f/5 au lieu de f/7, on utilise la formule présentée dans la page Web du site intitulée Calculs astronomiques à la section l’Ouverture focale et le temps d’exposition. Donc, pour comparer le temps d’exposition d’une ouverture focale par rapport à une autre, on prend le chiffre de l’ouverture focale et on le met au carré. Voici les calculs :

f/7 : 7 x 7 = 49
f/5 : 5 x 5 = 25
49 / 25 = 1,96 fois plus brillant ou lumineux à f/5 qu’à f/7

Le gain en magnitude limite à f/5 sera donc de seulement 0,31 (1,96 / 6,31). La magnitude limite en astrophoto passera de 19,50 à 19,81.

Cette analyse permet donc de conclure que si on utilise un temps d’exposition par photo plus long ou une focale plus ouverte, le gain en magnitude limite sera un peu plus élevé. Il sera très exigeant d’ajouter une magnitude limite additionnelle.

Note 2 : La valeur ADU du fond du ciel à 6600

Pour une image de 16 bits (65536 nuances possibles), la valeur ADU du fond du ciel est établie à 6600. Elle est déterminée par la formule suivante :

10% de 65536 nuances possible = 6600 nuances affectées par la pollution lumineuse

Le temps d’exposition maximum du fond du ciel est donc établi pour ne pas dépasser la valeur de 6600 pour une image de 16 bits. Cette norme est basée sur l’équilibre et la balance des couleurs de l’image en utilisant les niveaux ou la méthode des Points Noir et Blanc (voir le processus no 2 dans le traitement des images du ciel profond). Le point noir représentant le fond du ciel est établi à la valeur 25 (10% de 256 nuances pour une image de 8 bits). Cela consiste donc, lors de l’acquisition des images, à exposer le fond du ciel pour ne pas dépasser la valeur de 25 pour une image de 8 bits ou 6600 pour une image de 16 bits. Dépasser cette valeur, le fond du ciel est surexposé. Par exemple, si la valeur ADU du fond du ciel est de 12000, toute l’information sur l’objet du ciel profond entre 6600 et 12000 sera perdue (par exemple le signal faible des bras d’une galaxie entre 6600 et 12000 sera perdu). En effet, lorsqu’on appliquera la technique des points noir et blanc lors du traitement de l’image, le fond du ciel à 12000 sera ramené à 6600, ce qui explique la perte du signal faible de l’objet comprise entre 6600 et 12000.

Aussi, il faut considérer que le signal faible d’un objet qui est inférieur au signal du fond du ciel est impossible à reproduire puisqu’il est noyé dans la brillance ou la luminosité du fond du ciel. En amenant le fond du ciel à la valeur maximum de 6600 lors de la prise de photo, on obtiendra ainsi le plus long temps d’exposition possible par photo pour la zone de pollution lumineuse du site d’observation, ce qui donnera le meilleur rapport signal / bruit par photo (le plus grand écart entre le signal de l’objet et le bruit du fond du ciel). Voilà donc toute l’importance de respecter cette norme.

Voici donc la valeur ADU maximum du fond du ciel pour les différents formats d’images :

  • 8 bits : 10% de 256 nuances possibles = 25
  • 10 bits : 10% de 1024 nuances possibles = 100
  • 12 bits : 10% de 4096 nuances possibles = 400
  • 14 bits : 10% de 16384 nuances possibles = 1600
  • 16 bits : 10% de 65536 nuances possibles = 6600
  • Etc.

Richard Beauregard
Le Ciel Astro-CCD

Révisé le 2023/08/21