Voici des suggestions de temps d’exposition pour les deux catégories suivantes d’images astronomiques :
- La photographie des objets du ciel profond
- La photographie des planètes
1- La photographie des objets du ciel profond
Pour le débutant en astrophotographie du ciel profond, une des difficultés est de déterminer le temps d’exposition pour chaque objet. De plus, en imagerie CCD, il est possible d’assembler plusieurs images d’un même objet pour former une seule image. On appelle cette technique compositage. Une seule image d’une heure d’exposition demande une plus grande précision de suivi de la monture que prendre 12 images de 5 minutes et de les assembler. Le temps d’exposition total sera le même et les résultats seront différents. L’image unique de 60 minutes montrera plus de détails (de profondeur) de l’objet offrant ainsi un plus grand écart entre le signal et le bruit (S/B). L’image composite, avec un temps d’exposition plus court par photo, aura un plus faible écart S/B. Par contre, en combinant plusieurs images, le bruit sera diminué. L’image composite (plusieurs images de 5 minutes) sera alors moins bruitée qu’une seule image de 5 minutes. En comparant l’image composite avec l’image unique de 60 minutes, l’image assemblée fournira un peut moins de détails (de profondeur) sur l’objet. Par contre les détails révélés (résolus) seront plus riches. L’image composite sera plus plaisante à regarder car le bruit restant (le grain) sera peut apparent.
Pour bien comprendre ces 2 concepts, je vais les détailler :
L’image unique
Une bonne nouvelle en imagerie numérique, le signal augmente de façon proportionnelle (ou linéaire) par rapport à l’augmentation du temps d’exposition. Ce n’est pas le cas pour le bruit. Il augmente de la racine carré de l’augmentation du signal ou du temps d’exposition. La majoration du temps de pose par photo favorisera donc l’augmentation du signal au détriment du bruit. Il fournira un meilleur rapport S/B (un plus grand écart entre le signal et le bruit). En augmentant le temps d’exposition, on révèlera donc plus de détails sur l’objet photographié. Par exemple on verra plus de détails sur les bras d’une galaxie.
Le compositage de plusieurs images
Plus on assemble d’images, plus le bruit de photons de lumière diminue. Ce bruit apparait lors de l’acquisition des images du ciel profond. En effet, en astrophotographie du ciel profond, les objets photographiés (galaxies, nébuleuses, amas d’étoiles) ont un signal faible. Pour cette raison, il faut utiliser un long temps d’exposition par photo pour aller chercher le signal faible de ces objets lointains. Ce signal faible produit un bruit de photons important dans chaque image acquise.
Pour expliquer ce bruit de photons, on peut le comparer à la pluie qui tombe sur le sol. Une seule photo représente une petite portion de l’averse, le sol est partiellement trempé, il reste des endroits secs. Même avec un long temps d’exposition, c’est comme si la pluie tombait toujours au même endroit sans couvrir complètement le sol. Avec la technique de compositage, on couvre une plus grande surface trempée. À chaque image acquise, les gouttelettes d’eau se déposent dans des endroits différents sur le sol permettant de capter un sol complètement trempé. Le résultat sera une image plus riche et moins bruitée. Ce phénomène est expliqué scientifiquement par la mécanique quantique (pour chaque image acquise, les photons de lumière apparaissent dans des endroits différents).
Il existe une formule précise pour expliquer cette diminution de bruit de photons :
% bruit restant = 1 / √ nombre d’images
En plus de bénéficier d’une diminution importante du bruit de photons, le compositage de plusieurs images permet d’augmenter aussi le rapport S/B. Cette augmentation s’exprime par la formule suivante :
Augmentation du rapport S/B = √ nombre d’images
En se basant sur ces deux formules, voici un tableau qui démontre l’effet du compositage sur le bruit par rapport à une seule image :
Nombre d’image utilisées | Pourcentage de bruit restant (par rapport à une seule image) | Augmentation Rapport Signal / Bruit |
1 | 100,00% | 1,00 |
2 | 70,70% | 1,41 |
3 | 57,70% | 1,73 |
4 | 50,00% | 2,00 |
5 | 44,70% | 2,24 |
10 | 31,60% | 3,16 |
20 | 22,40% | 4,47 |
30 | 18,30% | 5,48 |
40 | 15,80% | 6,32 |
50 | 14,10% | 7,07 |
100 | 10,00% | 10,00 |
200 | 7,10% | 14,14 |
500 | 4,50% | 22,36 |
1000 | 3,20% | 31,62 |
10000 | 1,00% | 100,00 |
En assemblant seulement 4 images, on réduit le bruit de 50% et on double le rapport S/B. Avec 10 images, le bruit est réduit de 68,4% (100 – 31,6) et le rapport S/B est augmenté de plus de 3 fois (3,16). Avec 20 images, le bruit est réduit de 77,6%. L’écart est de seulement 9,2% de réduction de bruit entre 10 et 20 images et l’augmentation du S/B est de 1,31 foi (4,47-3,16). Donc, le tableau démontre qu’après le compositage de 10 images, les bénéfices sont moindres que les 10 premières images. Considérant qu’une image peut représenter plus de 15 Mo en haute résolution pour le ciel profond, et que le temps d’exposition est multiplié par deux, il faut juger si ça vaut vraiment la peine de prendre plus de 10 images ?
Pour maximiser les avantages des 2 techniques d’acquisition (le temps d’exposition et le compositage), on peut retenir les règles suivantes pour la photographie des objets du ciel profond :
- Exposer le plus longtemps possible pour chaque photo individuelle. Le temps d’exposition maximum sera déterminé par la qualité de suivi de la monture, de la précision de l’autoguidage et de la pollution lumineuse. Un temps d’exposition plus long fournira plus de détails à l’objet (plus de profondeur) et sera moins bruité qu’une exposition plus courte car le signal / bruit sera plus élevé (écart entre le signal et le bruit plus grand).
- Prendre au minimum 10 images individuelles (diminution du bruit de 68,4% et augmentation du rapport S/B de 3,16 fois) ayant le même temps d’exposition de l’objet et les assemblées. Le compositage des images permettra de diminuer encore plus le bruit de fonds et d’augmenter ainsi la richesse des détails révélés.
Voici un exemple illustrant les avantages du compositage de plusieurs images :
L’image de gauche représente une exposition de seulement deux minutes de la galaxie M101. L’image de droite est le compositage de plusieurs images de 2 minutes. On voit très bien le grain (bruit de photons de lumière) sur l’image de gauche. Avec la technique de compositage, le bruit de photons est beaucoup moins important sur l’image de droite. On peut aussi constater la richesse et la profondeur des détails révélés par rapport à une seule image (référence : The New CCD Astronomy page 110).
Temps d’exposition minimum pour la photographie des objets du ciel profond
Comme on l’a vu précédemment, pour les images du ciel profond, la règle du temps d’exposition à adopter est : exposer le plus longtemps possible. Par contre, lorsqu’on a un équipement de base, avec une monture qui a un écart périodique important, on peut se demander : quel est le temps d’exposition minimum par photo nécessaire pour révéler suffisamment de détails sur l’objet à photographier ?
Pour diminuer le bruit de fond et augmenter la richesse des détails révélés avec ces temps d’exposition minimums suggérés, dans le tableau ci-dessous, prendre 20 photos composites (diminution du bruit de de 77,6%) et plus pour diminuer au mieux le bruit de fond. Il faut considérer qu’un temps d’exposition de moins d’une minute fournira une image individuelle très bruitée pour le ciel profond car l’écart entre le signal et le bruit (S/B) sera très faible. Voici les temps d’exposition de départ (minimum) avec une focale f/4 sans autoguidage. On peut réaliser ces temps d’exposition, sans autoguidage, avec la majorité des montures motorisées. Si vous utilisez un appareil photo numérique (APN) au lieu d’une caméra CCD, utilisez la sensibilité 1600 ISO.
Objet | Temps expo. par photo (sec.) | Nombre d’images | Temps d’expo. totales (minu.) |
---|---|---|---|
Amas ouverts et amas globulaires | 45 | 20 | 15 |
Galaxies | 45 | 50 | 38 |
Nébuleuses | 45 | 50 | 38 |
Pour convertir le temps d’exposition par photo pour d’autres focales, utilisez le tableau suivant :
Autres focales Conversion
f/2,5 x 0,4
f/5 x 1,60
f/6 x 2,25
f/8 x 4
f/10 x 6,25
Lorsque que le temps d’exposition dépasse 60 secondes par photo, il faudra probablement envisager un autoguidage du télescope. Seules les montures de grande précision peuvent dépasser un temps d’exposition de 60 secondes sans autoguidage. Donc, comme on peut le constater, pour un équipement de base, favoriser un télescope ou lunette avec une ouverture focale de f/5 et plus (i.e. une ouverture focale plus grande = chiffre plus petit f/5, f/4, f/2,5 …). Aussi, pour faciliter le suivi de l’objet, choisir un télescope d’une longueur focale de 1000 mm et moins. Si votre télescope à une longueur focale de plus de 1000 mm, vous pouvez utiliser un réducteur de focale pour le ramener en deçà de 1000 mm.
Voici une astuce pour diminuer le temps d’exposition par photo, si celui-ci dépasse 60 secondes; utilisez le mode Bin 2×2. Il permet d’acquérir 4 fois plus de lumière que le Bin 1×1. On divisera alors le temps d’exposition par 4. Voici un exemple : le temps d’exposition minimum correspondant à f/8 est de 180 secondes (45″ x 4). En utilisant le mode Bin 2×2, il sera de 45 secondes (180″ / 4). Toutes les caméras CCD monochrome offrent le mode Bin 2×2. Préférer une matrice au champ large pour conserver une image de grande dimension, telle que la populaire matrice Kodak KAF-8300 offerte par plusieurs fabricants de caméras CCD. Il est à noter que les caméras CCD couleurs ne permettent plus le bin 2×2 en couleur (dans le passé, il y avait quelques caméras CCD couleurs qui l’offraient, dommage !). Aussi, toutes les caméras à matrice CMOS n’offrent pas le bin 2×2 matériel qui permet d’obtenir 4 fois plus de signal que le bin 1×1. Le Bin 2×2 des matrices CMOS permet d’obtenir plus d’images par secondes que le bin 1×1. Cette caractéristique n’est donc d’aucune utilitée pour l’imagerie du ciel profond. Elle peut être intéressante pour l’imagerie des planètes en offrant plus d’images par seconde.
Avec ces temps d’exposition minimum, on pourra photographier tous les objets Messiers ainsi qu’un grand nombre d’objets du catalogue NGC. Pour ce dernier, choisir des objets d’une magnitude de 9 et moins.
2- La photographie des planètes
Pour les planètes, il faut tenir compte de la turbulence de l’air. Comme ces objets sont très lumineux, le temps d’exposition sera très court. Pour amoindrir la perte de détails dû à la turbulence de l’air, on prendra plusieurs images de la planète et on fera un assemblage des meilleures images qui présentent le plus de détails. En effet la turbulence de l’air n’est pas constante. Lorsqu’on regarde visuellement une planète à l’oculaire, elle devient plus nette par moment. Ce sont ces périodes que l’on veut capter en prenant plusieurs photos de la planète. Avec la technique de compositage, les détails révélés seront plus riches (et moins bruités) qu’une seule bonne photo acquise dans un moment ou la turbulence est faible. C’est l’avantage de la technique de compositage par rapport à la photo unique.
Voici les temps d’exposition de départ suggéré pour les planètes (avec un minimum suggéré d’images) :
Objet | Ouverture focale | Temps d’exposition |
---|---|---|
Planètes | f/10 | De 0,005 à 0,010 seconde. Sélectionner 25% à 50% des meilleures photos sur 1500 (et plus). |
Planètes | f/20 (Barlow 2x) | De 0,020 à 0,040 seconde. Sélectionner 25% à 50% des meilleures photos sur 1500 (et plus). |
Lune | Selon votre configuration | Utiliser un filtre polarisant et un temps d’exposition le plus court possible. Sélectionner 25% à 50% des meilleures photos sur 800 (et plus). |
Avec ces temps d’exposition de départ, il faut éviter de surexposer la planète. Préférer une image légèrement plus sombre, pour être certain de ne pas avoir des régions trop claires ou surexposées.
Temps limite avant la rotation des planètes
Lors de la photographie des planètes, il y a une durée maximum à respecter. C’est le temps limite avant la rotation de la planète. On utilise la formule suivante pour le déterminer :
Temps limite en secondes = (3600 x S x R) / (3,1416 x D)
S = Résolution du télescope en secondes d’arc / 2
R = Période de rotation de la planète en heures
D = Diamètre apparent de la planète au moment de l’observation en seconde d’arc
Voici un exemple :
La résolution du télescope Edge HD 800 est de 0,59″ d’arc. S est donc égal à 0,295
La période de rotation de la planète Jupiter est de 9,83 heures
Le diamètre apparent de la planète au moment de l’observation est de 46,8″ d’arc (la planète étant en opposition)
Temps limite = (3600 x 0,295 x 9,83) / (3,1416 x 46,8)
Le temps limite est donc 71 secondes ou 1,18 minute
Pour une fréquence d’image de 30 images / seconde, on pourra donc prendre un maximum de 2130 images (30 x 71). Voilà donc toute l’importance qu’il faut accorder à la rotation de la planète.
Voici les périodes de rotation des planètes présentant des détails de surface qui demandent de calculer un temps limite :
Mars : 24,61 h
Jupiter : 9,83 h
Pour la planète Saturne, sa rotation est de 10,23 h. Comme il n’y a pas de détails de surface, on pourra donc dépasser le temps limite selon la formule ci-dessus.
Pour les planètes Saturne, Mars et Jupiter, favoriser les périodes d’opposition c.-à-d. les périodes où elles sont plus près de la terre.
Période de rotation de la Lune : 655 h (27,3 jours, période de révolution autour de la Terre)
Pour la Lune, il n’y a pas de temps limite, car c’est toujours la même surface qui fait face à la Terre. Pour faire ressortir les détails, prendre la photo près du terminateur (partie entre l’ombre et la lumière lors du premier et dernier cartier de la Lune).
Recommandations pour la photographie des planètes
Il est recommandé d’utiliser une caméra spécialisée pour le planétaire. Ces caméras permettent de produire un film de type AVI ou SER la plupart du temps. Si disponible, privilégier le format SER qui n’est pas compressé et de meilleure qualité. Préférer les caméras avec une fréquence d’au moins 30 images par seconde. Pour le débutant et la simplicité d’utilisation, il est aussi suggéré d’utiliser une caméra couleur au lieu d’une caméra monochrome avec filtres couleurs RVB, car le défi en imagerie des planètes est de produire un maximum d’images avant la rotation de la planète. En effet, l’utilisation de filtres couleurs avec roue à filtres obligent de produire une série d’images pour chacun des filtres rouge, vert et bleu, diminuant ainsi par trois le nombre d’images maximum par filtre avant la rotation de la planète (il faut aussi tenir compte du temps consacré à la rotation de la roue à filtre).
Richard Beauregard
Le Ciel Astro – CCD
Révisé le 2023/08/29