Avant d’entreprendre le prétraitement des images, dans la section suivante, voici la présentation de différentes méthodes de compositage des images. Comme on l’a vu dans la section sur les temps d’exposition suggérés, l’assemblage de plusieurs images permet de diminuer le bruit de fond et d’améliorer ainsi la richesse des détails révélés.
Il existe au moins 4 méthodes de compositage :
- La méthode additive
- La moyenne
- La méthode médiane
- La méthode Sigma-clip
Je rappelle que le compositage de plusieurs images permet de réduire le bruit selon la formule suivante :
% bruit restant = 1 / √ nombre d’images
Par exemple le compositage de 10 images permet de réduire le bruit de 68,4%, 20 images 77,6%, 50 images 85,9% … Pour plus de détails, voir le tableau de la section sur les temps d’exposition suggérés.
Plus le temps d’exposition par image est long, plus on s’expose à capter du signal parasite tel que les trainées lumineuses d’avion, les étoiles filantes, les satellites, les rayons cosmiques etc. On verra que des méthodes permettent d’atténuer et même éliminer complètement ces parasites.
1- La méthode additive
La méthode additive consiste essentiellement à additionner les images. Elle augmente donc proportionnellement le signal à chaque image additionnée. Le principal défaut de cette méthode est qu’elle a tendance à saturer les étoiles. Les étoiles deviennent « Clipper ». Le résultat est une perte de détails dans les endroits clairs de l’image (comme le noyau d’une galaxie). De plus elle ne permet pas d’éliminer les parasites lumineux lors de la prise de photos ainsi que les pixels chauds (Bad Pixels) qui peuvent persister même après la soustraction de l’image Noir (dark). Par contre elle permet de bénéficier pleinement de la formule de réduction de bruit présentée ci-dessus.
2- La moyenne (Averaging en anglais)
Comme son nom l’indique, la moyenne permet d’additionner les images et d’en faire une moyenne. Par exemple, si on a pris 10 images, elle additionnera les images et divisera le tout par 10. Son principal avantage est d’éviter de surexposer ou saturer les étoiles. Elle permet aussi de bénéficier pleinement de la formule de réduction de bruit. Cependant elle ne permet pas d’éliminer les parasites lumineux lors de la prise de vue et les pixels chauds (Bad Pixels).
3- La méthode médiane
À première vu, la méthode médiane peut ressembler à la moyenne sauf qu’elle ne retient pas les valeurs extrêmes. Pour chaque pixel, elle retient la valeur centrale (ou les valeurs centrales). Par exemple dans la séquence de 5 images (en 8 bits) suivante classée en ordre ascendant : 98, 99, 101, 102, 255, la valeur médiane retenue sera 101 pour ce pixel alors que la moyenne sera 131. On constate tout de suite que le pixel 255, représentant un pixel chaud, ne sera pas retenu dans la médiane alors qu’il fera parti de la moyenne. Son principal avantage est donc d’éliminer les parasites lumineux captés lors de la prise de photos et les pixels chauds restants. Par contre elle ne permet pas de bénéficier pleinement de la formule de réduction de bruit. En effet, en retenant juste la valeur centrale (ou les valeurs centrales), elle ne peut pas bénéficier de la réduction de bruit offert par l’intégration de plusieurs images, laissant ainsi apparaitre plus de bruit de fond (grain) dans l’image.
4- La méthode Sigma-clip ou Sigma Combine
La méthode Sigma-clip, aussi appeler Sigma Combine et Standard Deviation, utilise un algorithme sophistiqué de réduction de bruit. Elle permet de bénéficier pleinement de la formule de réduction du bruit. Elle ne sature pas les étoiles en plus d’éliminer les parasites lumineux lors de la prise de vue et les pixels chauds.
Pour bien fonctionner, elle demande plus d’efforts que les autres méthodes. Avant de l’utiliser, il faut normaliser l’intensité des images à assembler. Cette normalisation permet d’équilibrer le signal pour qu’il soit identique pour toutes les images à assembler. Cette normalisation est importante, surtout si la session d’imagerie s’effectue sur plus d’une nuit. Ensuite, on doit aligner les images entres elles (au lieu de compositer immédiatement les images, on les aligne individuellement les unes par rapport aux autres sans les assembler). On utilise les méthodes standards d’alignement, soit une étoile ou deux étoiles guide(s), Drizzle, etc. À partir de ce moment on peut correctement utiliser la méthode (il est à noter que le logiciel Maxim DL permet d’effectuer toutes ces étapes en une seule opération).
L’algorithme de réduction de bruit sert essentiellement à comparer les images entre elles. Si un petit nombre d’images contient de l’information que la majorité n’a pas, il efface cette information dans le résultat composité. Pour cette raison, il est recommandé de prendre au moins 10 images individuelles pour que la comparaison entre les images fonctionne bien. L’évaluation s’effectue pixel par pixel. Il effectue ensuite la moyenne des pixels retenus permettant ainsi de maximiser la formule de réduction de bruit. C’est donc une méthode très efficace pour faire disparaitre les parasites lumineux lors de la prise de vue et les pixels chauds. Concernant ces derniers, ils apparaissent toujours au même endroit sur chacune des images individuelles. Lors de l’alignement des images, le repositionnement de chaque image individuelle sur l’étoile guide déplace les pixels chauds sur les images individuelles. Comme ils ne sont plus au même endroit sur chaque image alignée, l’algorithme efface ces pixels chauds dans le résultat composité. Pour améliorer l’efficacité du nettoyage des pixels chauds et froids (points noirs), il est recommandé d’acquérir les images en Dithering.
La méthode Sigma-clip offre un choix de filtres qui va de 1 à 3 (avec la majorité des logiciels). En moyenne, sur un grand nombre d’images, le filtre 3 retient environ 98% des pixels. Le filtre 1, 68%. Il est donc suggéré de commencer avec le filtre 3 et si les défauts ne disparaissent pas tous, de progresser au filte 2 et ainsi de suite. Donc, plus on diminue la valeur du filtre, plus il y a de rejets d’informations considérées comme bruit. Il faut donc procéder par essaies / erreurs jusqu’à la disparition des défauts et la production de la plus belle image. Le graphique suivant présente l’effet des filtres sur les pixels retenus :
Voici une animation GIF démontrant l’efficacité de la méthode de compositage Sigma-Clip :
Image H-Alpha prétraitée (soustraction du Noir, Bias et division du PLU) de la nébuleuse du Croissant NGC6888 avec l’indication des bruits captés lors de l’acquisition de l’image et des pixels chauds restants. Regarder la disparition de ces bruits après l’intégration Sigma-Clip des images en utilisant le filtre 2.
Voici donc un tableau résumant les avantages de chaque méthode :
Méthodes | Évite la saturation des étoiles |
Maximise la formule de réduction de bruit |
Élimine les parasites lumineux lors des prises de vue |
Élimine les pixels chauds restants |
Additive | x | |||
Moyenne | x | x | ||
Médiane | x | x | x | |
Sigma-clip | x | x | x | x |
Comme l’indique le tableau, la méthode qui remplit tous les critères est l‘intégration Sigma-clip. Je vous recommande donc d’utiliser la méthode Sigma-Clip pour l’intégration de vos images du ciel profond en prenant au moins 10 images individuelles.
Tous les logiciels de prétraitement des images astronomiques offrent la méthode Moyenne. Ce n’est pas le cas pour la méthode Sigma-clip. Voici donc une liste partielle de logiciels qui gèrent l‘intégration Sigma-clip :
- Maxim DL (Sigma Clip et Standard Deviation Mask)
- Nebulosity (Standard Deviation)
- DeepSkyStacker (Kappa-Sigma clipping)
- Iris
Si votre logiciel de prétraitement n’offre pas la méthode de compositage Sigma-clip, voici un logiciel gratuit qui la gère très bien :
Ce logiciel est très sophistiqué. Il offre deux algorithmes de réduction de bruit : Le Sigma-clip standard et le Standard Deviation Mask développé par Ray Gralak, auteur de cette application. Le logiciel offre plusieurs réglages permettant d’obtenir la plus belle image. Il permet aussi de comparer d’un seul clic le résultat des méthodes moyenne, médiane et Sigma-clip. Vous pourrez alors utiliser votre logiciel de prétraitement préféré pour soustraire le Noir et diviser le PLU, aligner les images prétraitée, et ensuite, utiliser ce logiciel pour effectuer l’intégration en Sigma-clip. Il est à noter que pour le choix de filtre, le logiciel demande d’inscrire une Valeur Sigma (Sigma Value, aussi appelé Sigma Factor dans le logiciel Maxim DL). La valeur proposée est 0.5 qui est l’équivalent du filtre 3 et se calcul comme suit (voir le graphique sur l’effet des filtres ci-haut) :
6 x 0.5 = 3
6 représentant le filtre maximum qui retient tous les pixels ou toutes les images (voir le graphique).
Il est à noter que l’évaluation s’effectue pixel par pixel. Donc ce n’est pas nécessairement la même image qui est rejetée pour chaque pixel, ce qui fait la force de cette méthode. Pour maximiser la formule de réduction de bruit, il faut donc commencer avec le filtre 3 et au besoin de progresser vers les filtres inférieurs jusqu’à la disparition des parasites lumineux lors de la prise de vue et (ou) des pixels chauds.
Il est aussi à noter que la méthode médiane retiendra seulement 2 images (ou 2 pixels) que l’on prenne 50 images ou 10 images car elle ne retient que les valeurs centrales (moyenne des 2 pixels centrals pour une séquence paire et un seul pixel pour une séquence impaire). Elle fournira donc une image plus bruitée que les méthodes moyenne et Sigma-clip. C’est pour cette raison que je ne recommande pas d’utiliser cette méthode car elle ne rencontre pas la raison d’être du compositage des images qui est de réduire de façon importante le bruit en intégrant plusieurs images par rapport à une seule. Pour plus de détails sur le calcul de la médiane, cliquer sur ce lien. Pour ceux que ça intéressent, voici une Comparaison mathématique entre la moyenne, la médiane et le Sigma-clip.
Richard Beauregard
Le Ciel Astro-CCD
Révisé le 2021/04/26